Cette photo prise, depuis la pièce centrale vers la salle à manger, montre bien toute l’importance proportionnelle de ces larges baies rectangulaires en façade.
Le lustre, qui aurait été dessiné par Emile, et le mobilier avec ses arêtes recouvertes de métal chromé, sont typiquement Art Déco.
La cuisine était située à l’arrière, sur la droite, en annexe surélevée de quelques marches, libérant ainsi tout l’espace pour le salon, la salle à manger et la salle à déjeuner.
Cette cuisine s’ouvrait sur une terrasse en surplomb dont la forme arrondie et la balustrade métallique étaient un petit rappel du style « paquebot » !
Pendant la guerre lorsqu’il ne fut plus question d’employer le chauffage central, une ancienne cuisinière fut installée dans cette salle à déjeuner, fermée dès lors par rapport aux autres pièces, par une lourde tenture en velours afin d’y conserver un maximum de chaleur. Nous nous tenions souvent là et je faisais mes devoirs pendant que Maman réussissait parfois des prouesses culinaires sur cette antique cuisinière, telle que son succulent gâteau de pommes de terre ! Et c’est là aussi qu’elle torréfiait le café lorsqu’elle en avait, dans une sorte de tonneau métallique noir muni d’un manche en bois qu’il fallait tourner sans arrêt. Il me semble parfois en sentir encore l’odeur forte et amère.
Avec l’insouciance de l’enfance, nous avons vite transformé le salon et la salle à manger glacials en salle de jeux.
Au second étage, la grande chambre « des parents », en façade, était elle aussi largement éclairée par une longue fenêtre horizontale et elle était agrémentée par un feu ouvert. (Souvenir d’Angleterre ?)
A l’arrière une chambre plus petite avait par contre une grande double fenêtre faisant angle à gauche. Ce devait être la chambre de Christiane, mais seulement après la guerre car :
Deuxième étape des restrictions, un petit poêle rond fut installé dans cette chambre qui devint le lieu où l’on papotait, tricotait, et même chantait, car malgré tout cette famille De Boelpaepe (souvent en nombre) avec tantes et oncles, cousins et cousines, continuaient à agrémenter leurs soirées de chants et de jeux de cartes, comme leurs propres parents jadis.
Et bien sûr on écoutait prudemment les nouvelles de la BBC sur le vieux poste de TSF.
Entre ces deux chambres, une très belle salle de bain avec une grande baignoire encastrée, deux lavabos et un bidet, avait ses murs recouverts d’un carrelage vert. L’eau chaude était fournie par un « Bulex » à gaz et une fenêtre donnait sur une petite terrasse non utilisable.
La toilette était indépendante et se trouvait dans le couloir qui reliait les deux chambres.
Et enfin au troisième étage, un grand grenier côté jardin et côté rue : une belle chambre bien éclairée elle aussi par une large fenêtre ouverte dans le brisis du toit à la Mansart.
Elle était munie d’un lavabo et d’une douche carrelée. Elle était occupée par le fils aîné, Jacques.
Malgré les quelques transformations que nous avons relevées sur cette façade, nous avons été heureuses de voir son bon état d’entretien général.
A propos du jardin qui s’étendait à l’arrière de la maison sur une longueur de 15 mètres environ, j'ai différentes images en mémoire !
Au début, je pense que l’aménagement en fut confié à un spécialiste qui dessina une petite pelouse centrale entourée de deux allées ornées d'une multitude de rosiers accrochés à des espaliers sur les deux murs latéraux. Au fond il y avait une petite cabane de jeu avec un bac à sable qui nous combla de bonheur. Mais les exigences des temps de guerre imposèrent bien vite leur pragmatisme et la pelouse devint un petit champ de pommes de terre, la cabane et le bac à sable un poulailler .
C’était le père de maman, Bon-papa, qui venait entretenir ce « potager » et pour moi c’était chaque fois la fête quand il arrivait.
Jacques, le frère ainé, avait aussi des trouvailles. Ainsi pendant les hivers très rudes de cette époque, avec l'aide de ses copains, il aspergeait largement d’eau les deux chemins entourant le centre cultivé et les transformait ainsi en de terribles patinoires sur lesquelles nous faisions de folles glissades qui nous valurent quelques « bobos »!
Je ne sais plus à quel moment ce jardin reprit un air civilisé, mais il ne fut plus jamais entretenu comme autrefois et aux appels pour la corvée « mauvaises herbes », nous étions tous souvent aux abonnés absents !
Cette maison fut vraiment la nôtre et chacun à notre tour et à notre manière nous ne la quittâmes pas sans peine.
Beaucoup d’anecdotes de vie seraient encore à rapporter……mais cela c’est une autre histoire.
" Le beau est la splendeur du vrai et l'artiste doit être un créateur …
" Le sanctuaire de l'Art doit être la vie elle-même, il faut de l'Art dans la rue, dans la maison … et partout on doit le respirer comme on doit respirer l'air.
Emile De Boelpaepe