mpressions d’Angleterre
Emile a profité de son séjour en Angleterre pour voyager et découvrir le pays.
Comme nous l’avons déjà précisé, il nous a laissé deux carnets intitulés : l’un "Rapport sur l’architecture anglaise" de 1917, l’autre "Impressions d'Angleterre" datant de 1921
Ces deux carnets se complètent et sont des témoignages très importants concernant le séjour d’Emile en Angleterre.
Voici quelques-unes de ses impressions fort enthousiastes dans l'ensemble mais pouvant se révéler critiques à l'occasion.
"L'Angleterre est un beau pays !" s'exclame Emile :
"Que dire de la campagne anglaise et du pays en général au point de vue du "tourisme" ? si l'Angleterre est dotée d'un climat peu clément, par contre ses vallées, ses collines, ses délicieux villages, ses romantiques falaises, ses grandioses montagnes du pays de Galles, ses lacs magnifiques du nord, ses admirables provinces de Cornouailles et de Devonshire, les bords de ses fleuves, ses plages, ses villes anciennes telles que Oxford, Bath, Wells, Canterbury et bien d'autres, vous donnent au point de vue esthétique l'effet qu'un mets délicat ferait au palais d'un gourmet"
Par contre Emile ne se montre pas enthousiasmé par la ville de Londres, surtout du point de vue architectural (voir chapitre 5) :
"Les abords de la métropole anglaise ne sont pas attrayants".. on distingue du gris, du noir, des affiches d'un bariolage cru, des enseignes aux lettres démesurées, une étendue infinie de maisons, des flèches, des tours d'églises, des monuments, des usines, le ciel barré et rebarré de fils télégraphiques; puis de larges artères, un immense carrefour "Trafalgar Square" séparant 2 centres d'activités diverses, des places où se croisent et s'entrecroisent des véhicules de toutes sortes, des espaces verts, des arbres;
La Tamise qu'enjambent des ponts monumentaux, la Tamise devenue ici un fleuve d'affaires aux eaux sombres, portant de lourdes cargaisons et luttant contre les marées; ensuite de gros bouillonnements de vie : les docks, la City, le Strand, Picadilly, Bond Street, Hyde Park; - et dominant ce tout colossal : Westminster Abbey, le Parlement, des édifices, des cathédrales, des temples; des palais royaux.
La physionomie de Londres est terne et sévère. Londres est avant tout une cité marchande, Aussi ne viendrait-il à l'esprit de personne de qualifier Londres du nom de "ville d'Art" ni même de ville résidentielle"
Mais comment vivent les Londoniens ?
"Quand on aperçoit derrière les fenêtres des grands clubs, ces figures enfouies dans de vastes fauteuils, immobilisées par la lecture du journal quotidien, il s'en dégage, je ne sais quoi de mélancolie. Aussi sa semaine de travail terminée, le londonien s'empresse-t-il de" filer à l'anglaise" vers la campagne ou des villes de résidences, mettant ainsi à profit son "week end" autrement dit fin de semaine "
Toutefois, Emile apprécie énormément "le charme de l'hospitalité anglaise"
"Etes-vous tout à fait confortable ?" voilà la phrase que l'Anglais vous posera à tout instant.
"Tout ce que l'Anglais a de meilleur est pour l'hôte. Reçu dans la famille d'un ami anglais, je vis avec étonnement mêlé d'émotion, se lever une vieille dame de quatre-vingts ans, m'offrir bon gré, malgré, son fauteuil qui était le meilleur du
salon ! "
Emile admire la politesse des Anglais :
"L'Anglais se tient chez lui au sens figuré du mot en smoking et j'insiste sur ce point "moralement " peut-être plus encore que physiquement. Si au premier abord, l'Anglais paraît terne, froid, figé, il nous faut cependant vite reconnaître qu'il nous est indiscutablement supérieur au point de vue du tact, du savoir-vivre et de la politesse.
On m'objectera probablement aujourd'hui, que je n'ai certainement pas dû faire connaissance avec "ceux du Yorkshire" ! Disons que l'exception confirme la règle et que se conduire en " gentlemen" est le mot d'ordre de la majorité des Anglais"
Emile aime et apprécie le raffinement et le confort qu'offre les salons privés ou publics
"Que dire aussi de l'aspect si familial des feux ouverts; de ces baies cintrées dont le banc intérieur forme un de ces coins intimes qui semblent faits pour les causeries crépusculaires; de la tasse de thé, qui est comme le pain et le sel de l'hospitalité anglaise; des animaux qui occupent une grande place dans le home anglais"
L'Anglais adore la musique. Emile écrit ceci : "Sans être musicien dans l'âme, l'Anglais adore la musique."
Concernant ce sujet, Emile émet une réflexion toute personnelle :
Par exemple, concernant la musique :
"…arrivé en Angleterre, je ne comprenais pas la musique anglaise; ensuite je la trouvai très belle .En effet : ce qui n'est pas compris ne saurait être aimé. Ainsi pour jouir d'une beauté cela doit être précédé d'une connaissance.
Et d'ajouter encore cette pensée qu'Emile reprend à Boileau : "Rien n'est beau qui n'est vrai"
L’Anglais accorde aussi beaucoup d’importance à la lecture :
"Partout en Angleterre, on trouve de grandes salles de lecture très confortables dans lesquelles sont placées journellement par séries de plusieurs exemplaires tous les journaux du pays et même des journaux étrangers que l'on peut venir consulter gratuitement"
Enfin, avec humour Emile dépeint le goût pour l'élégance des Anglais :
"L'Anglais a une affection particulière pour ses chaussures. Je me suis amusé un jour à compter – dit Emile en riant -- le nombre de paires de chaussures d'un ami.
…Il y en avait vingt-deux !
L'Anglais se croit aussi arbitre de l'élégance masculine"
Emile sera très influencé par celle-ci !
Il n'y a qu'à voir la façon dont il s'habille entre 1920 et 1940 !
Emile relève encore d'autres qualités chez les Anglais :
"L'Anglais est foncièrement honnête; l'admirable fonctionnement du rationnement pendant la guerre le prouve.
Le riche n'eut en effet, pas un gramme d'aliment en plus que l'ouvrier.
"L'ouvrier anglais est amplement outillé pour son travail.
Et bon nombre de nos ouvriers belges exilés là-bas, émerveillés de ce fait, sont revenus en Belgique, munis eux aussi d'un outillage abondant et perfectionné.
"L'Anglais vous serre la main d'une façon qui fait faire la grimace à beaucoup des nôtres : c'est le fameux " shake-hand " !
"Il a horreur du mensonge et de la sentimentalité; chez lui, la camaraderie féminine est un fait acquis.
Il a le respect de la parole donnée : "on peut compter sur lui ".
"Sous certaines réserves l'Angleterre est évidemment le pays de la liberté individuelle".
"Lorsqu'on débarque en Angleterre après une première impression de déracinement on réalise immédiatement qu'on est dans un pays pratique.
On est certain d'avoir toujours "the right thing in the right place".
"Londres, l'axe de cette formidable machine qui s'appelle l'Empire britannique, en est un bel exemple.
Ce qui frappe les étrangers c'est la tenue, la respectabilité et le grand caractère des "Bobbies" ! Comme on appelle affectueusement les policemen".
Mais Emile raconte aussi les difficultés que les deux peuples rencontrent au cours de ce partage de vie commune forcé par la guerre.
"Pour beaucoup de nos compatriotes, l'Angleterre est encore "terra incognita".
Le fait que la mer " la grande bleue " nous sépare , leur donne l'impression que les îles britanniques doivent se trouver quelque part bien loin dans l'océan pacifique ou dans l'océan glacial, alors qu'en réalité elles se trouvent à quelques heures de chez nous.
Résultat : nous nous calomnions mutuellement. "Vous êtes des égoïstes, des hypocrites, des sépulcres blanchis "! crie-t-on de ce côté-ci.
"Vous êtes des gens sans tenue, sans moralité " crie-t-on de l'autre côté du détroit. Et de fait, en Angleterre une foule d'honorables vieilles filles, de braves mères de famille et d'hommes qui n'ont jamais voyagé, nous jugent de confiance comme des êtres de toute immoralité" !
"Je suis persuadé que si on se connaissait mieux, on serait étonné de découvrir de part et d'autre tant de braves gens".
"L'Anglais est imbu de sa supériorité quand il cause avec un étranger, il a toujours sur les lèvres un irritant sourire, un sourire de protection, celui qu'il accorde aux femmes et aux petits. Il est quelque peu atteint " d'autogobisme" une maladie ajoutons-le qui caractérise d'ailleurs les nationaux de presque tous les grands pays".
"Il se possède admirablement, se dispute rarement. Un homme qui s'emporte y est disqualifié !
Quelles sont les positions des Anglais en politique,
"Ne jugeons pas l'Anglais d'après la politique extérieure de son pays. Si cette politique peut amener quelquefois à détester l'Angleterre, il ne faut pas oublier cependant que bon nombre d'Anglais nous ont toujours rendu justice. Je cite à ce propos l'exemple d'une personnalité anglaise, qui toutes les fois qu'elle présentait un soldat belge à ses amis le faisait en ces termes : "Je vous présente un ami belge, soldat de cette vaillante armée qui continue à se battre "avec et pour nous" !
"Les Anglais se caractérisent par leur attachement à la mère patrie, leur nationalisme, leur culte de l'union, la "Mother England".
Ils n'aiment pas que l'étranger se fixe en leur pays.
L'Anglais s'intéresse énormément à la politique intérieure et en général à tout ce qui regarde son vaste empire; mais au point de vue extérieur il se montre très ignorant.
" Je me rappelle encore qu'au début de la guerre, certains anglais s'étonnaient de ce que les belges étaient des blancs; ils s'imaginaient que nous étions tous des noirs ! (NDLR : à la suite sans doute de la campagne anti-belge relative au Congo).
"Ce peuple est avant tout un peuple commerçant à l'esprit surtout pratique et utilitaire "
"Que pensent beaucoup d'Anglais philosophiquement ?
"La Bible est la pierre angulaire de l'empire britannique, mais les Anglais sont terriblement divisés en religion. On compte près de 300 différentes sectes. Est-ce là un résultat de la "tolérance" ou de l' "indifférence" ?
On raconte, que lorsque un certain nombre d'Anglais sont mécontents de "leur clergyman" , ils fondent une nouvelle secte, bâtissent une nouvelle chapelle et y installent un théologien qui leur expliquera la Bible à " leur façon" !
C'est le peuple sportif par excellence.
Les parents s'intéressent souvent plus aux victoires sportives de leurs enfants qu'à leurs victoires scolaires.
Les parents visent à faire de leurs enfants des êtres forts physiquement pour se préparer au struggle for live" !